Le docteur continua de m’examiner. Voyant au bout de deux semaines que mon état était redevenu stable, il décida de me renvoyer à la maison.
Les journées étaient drôlement plus gaies à vivre. Le mal de tête qui me nuisait tant était enfin disparu. J’avais un moral qui se maintenait, mais j’avais toujours cette peur du futur et, malheureusement, je me dirigeai vers la boisson. Je camouflais mon problème dans un monde imaginaire que me procurait la boisson.
Mes parents ont tenté de me faire comprendre qu’il fallait que je fasse face à mes problèmes et d’arrêter ce petit jeu de camouflage qui, lui, détruisait ma santé. Comme je n’étais pas très souvent conscient de la réalité, je riais de tous ces conseils qui m’étaient donnés. J’allais jusqu’à répondre: “Je sais très bien ce que je fais”. Je prenais un plaisir fou à raconter les mauvais coups que je faisais lors de ces escapades. J’appelais même la jeune demoiselle de Québec pour lui raconter ce cabotinage.
Une fois que j’étais à Québec, je profitais donc de l’occasion pour appeler Johanne et lui conter un peu ce que j’avais fait durant la semaine. Ce que je lui disais renfermait encore de ces moments perdus devant un verre. Durant ce même appel, elle m’a dit ce qu’elle pensait de tout cela: “Michel, si tu crois que pour une femme, cela est important de savoir tout cela, tu te trompes beaucoup. Si tu penses aussi qu’en me racontant toutes ces choses, j’ai pitié de toi, eh bien non. Je te crois assez fort pour parvenir à de bons résultats sans recourir à ces hallucinogènes”.
Je compris donc à cet instant qu’au lieu de m’aider, la boisson retardait le règlement du problème et ne le combattait pas du tout. Je me suis dit: “Mike, tu te dois d’arrêter de prendre un verre pour l’instant et, lorsque tu iras mieux, si tu veux prendre une ou deux bières d’une façon modérée, ce sera libre à toi. Mais, pour l’instant, STOP!”
Cet arrêt fut très difficile. La boisson était déjà rendue chez moi une habitude. Je fis beaucoup d’efforts et, lorsque l’occasion de prendre un verre se présentait, je refusais, mais je dois admettre que le refus était difficile et qu’il demandait de ma part une volonté du tonnerre. Je me disais que depuis deux ans je faisais face à ce problème et que, si je voulais en finir, je me devais de l’affronter et de le combattre. Je vais donc vous raconter un test que j’ai fait lorsque je me sentais enfin prêt.
Ici à Jonquière, je fais partie d’un gang très sympathique du nom des El-Platos. Un après-midi, je reçus un appel d’un ami me demandant si je voulais aller prendre une bière avec le groupe. Je lui ai répondu dans la négative.
Après avoir posé le combiné, je me suis dit: “Pourquoi, Michel, te refuses-tu d’aller voir des amis ? C’est tout simplement du fait qu’il y aura de la bière… Tu ne dois pas t’éloigner de tes amis pour cela. Tu en as besoin de tes amis; alors, n’agis pas pour les perdre…”,
Après réflexion, je compris que je me devais d’aller les trouver. Je sortis et y allai. Ils furent très étonnés de voir que je ne prenais pas de bière. Même que l’un d’eux m’a demandé: “T’es sûr, Mike, que tu ne veux pas de bière?”. Je lui ai répondu: “Non, pas cette fois, car je veux poursuivre mon combat et le gagner”. Personne ne comprit et ils ne savaient pas pourquoi j’avais arrêté de prendre de la boisson. Alors, je leur expliquai ma réponse et la raison de mon arrêt. Ils comprirent tous et approuvèrent mon geste.
Je revins chez moi après avoir parlé, ri et écouté quelques vidéos avec la fierté de n’avoir pas dérogé de ma décision et content de m’être bien amusé, car cela est très bon pour arriver à chasser quelques idées noires.
Un soir, j’arrivai chez moi et descendis tout de suite au sous-sol sans même aller voir mes parents pour leur parler un peu. Mon père, qui avait l’habitude de descendre chaque soir pour prendre sa douche, est venu me voir pour me parler un peu. J’étais pratiquement inapprochable et de très mauvaise humeur. Il me demanda:
– Y a-t-il quelque chose qui t’embête?
– Non. J’aimerais avoir la paix…
Mon père eut vite le pressentiment que, soit durant la soirée ou le lendemain, j’allais être victime d’une autre crise, puisque la mauvaise humeur quand il n’y a rien qui ne va pas est le premier indice qui annonce la venue prochaine d’un tel événement.
Lorsqu’il eut fini de prendre sa douche, il est revenu me voir pour tenter de me parler de nouveau, mais sans résultat. Il fut donc convaincu que j’allais être victime d’une autre crise. Il monta et alla se coucher.
Dans le lit, il dit à ma mère ce qu’il avait constaté, mais ils décidèrent de ne rien faire pour voir si la mauvaise humeur était bien un facteur qui pourrait nous aider à préciser les crises. Ils se sont couchés en se disant qu’ils allaient observer mes gestes actuels.
Le lendemain, je me réveillai avec la même humeur; je ne parlais à personne. Même que ma sœur Marie-France m’en fit la remarque pendant le déjeuner. Je ne pris aucune attention à sa remarque, toujours aussi convaincu que la seule personne qui pouvait avoir raison, c’était moi.
Je crois que mon père et ma mère avaient bien raison. Le soir même je faisais une autre crise. Sans paniquer, mon père me prit dans ses bras et alla me coucher, question de me reposer parce qu’après une crise, je peux vous assurer que l’on est mort de fatigue. Je disais à mon père que je voulais rester chez nous, que je ne voulais pas aller à l’hôpital. Je n’en voyais pas l’utilité; je savais très bien qu’à l’hôpital ils ne pourraient pas faire plus que de me faire reposer et cela, je pouvais très bien le faire à la maison. Mon père accepta en me disant qu’il se doutait que j’allais faire une crise et il m’expliqua son indice.
Quelques jours plus tard, la même chose se produisit. Mon père fut donc convaincu de son dire et voulut se rendre à l’hôpital de Québec pour en parler avec le docteur Picard.
Nous sommes donc retournés à Québec pour rencontrer le médecin, mais, cette journée-là, il était absent. On me fit voir un psychiatre car eux croyaient que ces crises étaient psychologiques, causées par la peur. J’ai dû donc raconter tout au psychiatre qui, lui, m’a demandé si j’accepterais de l’aide. Je compris immédiatement que l’aide dont il me parlait serait un petit séjour en psychiatrie.
Je me disais que si je voulais enfin parvenir à la guérison de
crises, je devais accepter toutes les méthodes possibles, même celles qui réfèrent à une maladie psychologique.
Après tout, cela était fort possible, avec tout mon passé et toutes les craintes et les peurs qui y sont insérées.
Alors, je suis entré pour un traitement qui, j’en étais sûr, pourrait m’apporter beaucoup de calme et me permettre d’accepter ma vie actuelle.
La première journée de l’hospitalisation, j’étais plutôt refoulé et refusais de rencontrer des gens qui étaient, eux aussi, hospitalisés en même temps que moi.
La glace fut très dure à casser. Je dois même vous avouer que ce n’est pas moi qui ai fait les premiers pas. C’est un infirmier qui les fit. Il savait que j’adorais un peu tout ce qui avait trait au sport. Un soir, il est venu me demander si je voulais aller avec eux jouer au ping-pong. Comme je n’aime pas beaucoup refuser les invitations ayant trait au sport, j’acceptai.
Je ne parlai pas beaucoup durant la soirée, mais, dans le fil de l’action, je me suis mis à oublier mes préjugés envers les personnes qui faisaient partie de l’étage de la psychiatrie. Je me suis même dit: “Écoute, Mike, tu ne peux pas accepter de l’aide si tu ne te montres pas coopératif; tu dois te mêler aux gens et échanger avec eux”. Chose que je fis.
Cela m’a permis de m’apercevoir qu’il y avait beaucoup de maladies psychologiques et que, pour en aider les victimes, il me fallait mettre mon grain de sel. Je vis des maladies comme la dépression, l’anorexie, l’Alzheimer, etc. En somme, des gens qui ont tous au moins un problème.
Je ne pensais pas qu’en psychiatrie, c’était si bien organisé. Ils font en sorte que le malade se sente à l’aise, en organisant des sorties, en ne négligeant aucunement la forme physique puisqu’ils font beaucoup d’exercices. Ces dernières favorisent un échange entre les patients. Ils ont aménagé une salle de repos avec téléviseur, système de son et plein de jeux de société. Ils servent un petit lunch à chaque soir de la semaine.
Je dois vous parler de mes moments noirs et de ce que je faisais pour les rendre plus clairs. J’allais dans la salle de gymnastique où il y avait un sac de boxeur. Lorsque j’avais les nerfs à fleur de peau, j’y allais donner des coups de poings jusqu’à ce que mon agressivité ait complètement disparu. Cela m’était fort utile. Beaucoup de gens me voyaient faire cela et s’informaient de la raison de ce geste. Après mes explications, certains allaient exécuter ce geste et me disaient que ça leur faisait beaucoup de bien.
Ce petit séjour m’a permis de répondre à ma question de: pourquoi moi? La réponse m’est venue lorsque j’ai rencontré une jeune demoiselle de 20 ans qui souffrait d’anorexie. Je vous prie de me croire, cette fille possédait un corps à faire chanter un muet, mais elle se disait beaucoup trop grosse.
C’est à cet instant que j’ai eu la réponse à ma question et cette réponse est: Peu importe si tu es beau, gentil, aimable, si tu as toutes les plus belles qualités du monde ou les pires défauts, lorsque le bon Dieu t’envoie une épreuve telle la maladie, la mort ou même le divorce, ce n’est pas parce qu’il ne t’aime pas, mais plutôt pour savoir si tu as la force de passer au travers. J’ai aussi constaté qu’il n’existe pas de problème plus fort que d’autres en tant que tel; ce sont plutôt des personnes qui ont la volonté plus forte que certaines autres.
Pour ma part, je sais maintenant que peu importe le degré d’un problème, j’aurai la force et la volonté de le surmonter. Mais il est important de prendre des moyens pour y arriver, tels ceux que j’ai utilisés pour m’aider et mon petit mot clé: JAPOV.
Le docteur a vu que j’étais enfin prêt à aller mettre mes petits moyens en pratique; il résolut donc de me donner mon billet de sortie.
Tout allait bien, même que l’hôpital me rejoignit pour procéder à une opération qui me permettra peut-être de recouvrer une vision simple.
Je crois qu’il faut que je vous parle de deux événements qui me sont arrivés avant cette chirurgie
Un soir, j’ai décidé d’aller avec mes amis qui allaient voir une partie de hockey du Junior majeur. Dans l’équipe de Chicoutimi, il y a un jeune du nom de Dave Lasalle. Mes relations avec Dave sont rendues très bonnes. J’ai remarqué que Dave est un garçon qui a du cœur comme je n’ai jamais vu. Il n’a pas le talent d’un Wayne Gretzky ou d’un Guy Lafleur, mais il a le cœur d’un athlète. Alors, je me suis dit que si je voulais atteindre mes objectifs, je me devais d’avoir autant de cœur que lui, sinon plus.
Et mon deuxième événement et non le moindre, ces mêmes amis m’ont invité à une soirée où mon “chum” Yves était. Ils ne me précisent pas à quelle occasion ils faisaient une telle fête. J’essayais de le savoir, mais leurs réponses n’étaient que: “Si tu veux savoir pourquoi on fait cette fête, tu n’as qu’à y être”. Ma curiosité m’a poussé à répondre que j’y serais…
Rendu au party, j’étais en bonne compagnie car les gars avaient pensé à tout. Ils savaient bien que j’allais être seul et, de leur propre initiative, ils m’ont invité une belle et gentille demoiselle. Je continuais toujours à me demander la raison de cette fête.
Au courant de la soirée, un de mes amis est venu me voir et m’a demandé si tout allait bien pour moi. Je lui ai répondu: “Très bien, merci. Mais pourquoi tout le monde est aux petits oiseaux avec moi et ils veulent tous que j’aie bien du plaisir?”. Il m’a répondu d’un air confus: “Je ne sais pas si je devrais répondre à cette question… Il faut que je dise tout de suite que l’on sait que, la semaine prochaine, tu feras un autre petit stage sur la table d’opération et, nous autres, nous avons su que tu avais un peu peur, d’où nous avons pris l’initiative de te remonter le moral pour que tu puisses surmonter une fois de plus cet obstacle parce qu’ici, à Arvida, t’attendront un groupe de jeunes qui ont espérance en toi et qui t’aiment bien”.
Je sentis alors une nuée d’espoir m’envahir de nouveau. Je me devais de passer ce petit obstacle et revenir en forme. Je me sentais enfin prêt.
La soirée fut formidable; nous parlions, nous riions et, bien sûr, nous dansions. J’en ai profité pour remercier tous les gars et, du même coup, je leur dis qu’ils avaient vraiment réussi à atteindre le but qu’ils visaient, à savoir me donner le goût et la volonté d’aller à cette petite opération et de revenir auprès de mes “chums”.
La chirurgie fut donc datée. Je m’y suis rendu pour cette date. Le jour de l’opération, on me fit passer encore quelques tests de routine et, juste avant de partir pour la salle d’opération, l’infirmière reçut un appel lui disant que l’opération était remise au lendemain, mais que le docteur chirurgien Alain Gourdeau allait passer pour m’expliquer les raisons de cette remise. Comme avait précisé la garde au téléphone, Alain passa me voir. Ce fut très important pour moi car je voyais en la personne de monsieur Alain Gourdeau un homme confiant et compétent et le fait qu’il ait pris de son temps pour venir m’aviser de ce retard était assez fort pour attirer ma confiance.
Après cet événement, je me stimulai pour rester encore une nuit avec ce handicap. A vrai dire, je me disais que rester encore un minime jour avec cela est beaucoup moins pire que d’endurer cela toute ma vie. Et encore, ce n’est rien quand on sait que ça fait un an que j’endure cela.
La fin de la journée a été beaucoup plus relaxante. Comme je l’ai précisé à mes “chums”, cette opération me faisait beaucoup peur. Juste l’idée de me retrouver dans ce dilemme qui est: “Aurai-je de bons résultats: Oui ou non?”, cela me terrifiait.
Savoir que, durant le temps où je dormirai, mon sort sera livré entre les mains de gens qui sont pour moi de purs étrangers avait pour effet de me rendre méfiant. Je me suis dit: “Michel, tu peux au moins respirer jusqu’à demain et arrêter de te casser la tête”.
Être en présence de ma mère était un point qui facilitait ma relaxation. Je dois vous dire que ma mère est une femme merveilleuse qui me redonnait toujours confiance, soit par son parler ou par son merveilleux sourire, car vous savez très bien que parfois un visage veut dire mille mots. Le fait dominant qui m’aidait à traverser cette maladie, c’est que j’ai des parents et des sœurs en or. Nous, les êtres humains, ne reconnaissons pas ça souvent, mais je peux vous jurer que lorsqu’une personne traverse un tel calvaire, elle voit très bien ceux qui constituent son bel entourage.
Chose dite, j’ai patienté jusqu’au lendemain. Le jour venu fut le bon. Je partis vers la salle d’opération beaucoup plus en confiance cette fois. Je me rappelais comment je pouvais être chanceux d’avoir des amis qui m’aiment et une famille du tonnerre. Le fait de savoir que le chirurgien paraissait extra me redonnait parfaitement confiance. L’opération ne dura qu’une heure et demie. On ne pouvait se prononcer à savoir si l’opération avait bien réussi car c’était beaucoup trop frais, mais le docteur m’a demandé de revenir le voir dans un mois. Il m’a prescrit un onguent que je devais me mettre trois fois par jour dans les yeux pour les lubrifier et favoriser leur cicatrisation.
Je fis tout ce que le docteur m’a dit et retournai le voir un mois après la chirurgie. Il examina mes yeux, me fit passer plein de tests, me fit venir dans son bureau, m’apprit que la chirurgie avait très bien réussi et que, pour le reste, certaines choses allaient rentrer dans l’ordre avec le temps. Il ne pouvait plus rien faire et m’a conseillé de porter un verre correcteur pour arranger le peu qui reste. J’ai été fort content d’apprendre que tout s’était bien passé, mais j’étais un peu triste, voire même frustré d’être pris pour porter des verres de correction.
Je suis revenu à Jonquière en me disant que le cauchemar était maintenant chose du passé et qu’heureusement la vie continuait. Je fis plein de choses, en particulier du sport. Je dois vous avouer que cela était très dur car j’étais handicapé par un manque d’équilibre et de coordination. Tous les jours que le bon Dieu me donnait, je sortais et essayais de me pratiquer à la balle lente ici au Plateau.
Les El-Platos se sont fait une équipe de balle lente et j’espérais pouvoir en faire partie. Je n’ai toutefois pu être prêt à temps pour faire partie de l’équipe. J’étais néanmoins déterminé. Je me disais que si je ne réussissais pas à faire partie de l’équipe cette année, il ne fallait pas oublier qu’il y avait d’autres années. J’en ai reçu des balles par la tête, mais ça ne me décourageait pas; j’avais l’aide de mes amis. J’ai essayé tout l’été en me disant que j’ai été chanceux d’avoir une deuxième chance; alors, il fallait que j’en profite…
Une fois, lors d’une pratique de l’équipe du Plateau, je demandai à l’entraîneur si je pouvais aller frapper un coup, juste pour savoir si j’avais perdu le bras. Il répondit qu’il n’y avait pas de problème. Je pris donc la place du frappeur et le lanceur me lança plein de balles, mais je n’étais pas capable de toucher ces dernières. Gino, qui était le lanceur, vint me voir et me dit que je devrais me concentrer sur la balle et arrêter de me décourager puisque, après tout, ce n’était qu’un simple jeu.
Pendant quelques secondes, j’ai pensé et réalisé qu’il avait raison et que je devais arrêter de me casser la tête, que ce n’était que normal avec tout ce que j’avais passé. Il me renvoya une autre balle et j’eus la force de faire un très fort circuit. À ce moment, un bonheur intense s’empara de moi; j’étais fier, non pas d’avoir frappé un circuit, mais d’avoir pu toucher cette balle. Tous les joueurs sont venus me trouver pour me féliciter. C’était un moment formidable et inoubliable. Je compris donc à ce moment-là que je n’étais pas prêt pour affronter un retour au jeu, mais j’ai constaté toute l’amélioration qu’il put y avoir et je crois que c’est très important puisque j’ai toujours soutenu que, dans le sport, l’important est de faire son possible.
Le docteur Picard m’a déclaré inapte au travail pour un léger laps de temps. Alors, je passais la grande partie des journées chez moi, mais je ne restais pas à rien faire puisqu’il fallait que je noie mes moments obscurs. Je me rendais utile à faire un peu de tout, en ne refusant jamais de rendre des services et j’étais content de voir qu’il y avait beaucoup de gens qui me faisaient encore confiance. Cela me faisait plaisir et je faisais tout mon possible pour ne pas les décevoir. Tout allait bien.
J’ai même fait une demande d’admission au collège de Jonquière en technique d’éducation spécialisée et j’ai eu comme heureuse réponse de me présenter le 24 août, qu’on me remettrait mon horaire puisque j’étais accepté. Comme prévu, je me suis présenté pour prendre mon horaire. Un horaire qui me faisait un peu peur, mais, après réflexion, cela ne me dérangeait plus. Il était constitué de 20 heures de cours, mais j’ai eu la pensée que cela me semblait un gros horaire, mais il est formidable pour moi car, avec beaucoup de travail, je n’aurai pas le temps de me complaire dans des idées noires.
J’eus une grande surprise, un jour, avant de me présenter à mes cours. J’étais au sous-sol avec les amis de ma sœur quand, tout à coup, un malaise s’empara de moi. Je me suis rendu dans mon lit et ai essayé de dormir un peu, mais un fort mal de tête m’en empêcha. Alors, je suis monté me chercher un tranquillisant. Je me sentais vraiment mal. L’ami de ma sœur est venu me trouver et me demander si tout allait bien car j’avais vraiment l’air d’aller mal. Je tentai de lui expliquer la situation, mais, avant que j’aie fini de parler, je me retrouvai sur le plancher, inconscient. On fit venir l’ambulance qui me conduisit immédiatement à l’hôpital.
On m’y garda toute la nuit, mais, le lendemain, on me demanda de retourner chez moi et de m’y reposer. Je fis donc ce qu’on me dit. Mais j’étais beaucoup malade et super faible. Mon père, en revenant du travail, me vit et n’en croyait pas ses yeux. Il me demanda de m’habiller puisqu’il voulait retourner à l’hôpital pour leur faire comprendre que c’était impossible de me garder à la maison, vu ma condition.
Les gardes constatèrent donc mon état et comprirent mon père et son irritation. On me demanda si un petit séjour à l’hôpital me dérangerait bien. Je répondis: “Vous ne voyez donc pas que je suis malade et fatigué… Je crois qu’aujourd’hui j’accepterais n’importe quoi qui puisse m’aider”.
Le cauchemar recommençait. J’étais épuisé de penser à toutes les fois où mon problème serait théoriquement disparu. Je crois que la vie est un éternel recommencement. Parfois facile à vivre, mais d’autres temps exécrable. Mais ça fait partie de la joute.
On me garda une première semaine pour effectuer encore des tests que je commençais à détester. Le docteur venait me voir chaque matin pour me demander si tout allait bien et je lui répondais que si j’étais à l’hôpital ce n’était sûrement pas parce que tout allait bien. On me fit ce petit cirque pendant trois semaines et, un jour, j’en ai eu vraiment assez et j’ai fait demander le médecin.
– Salut, doc.
– Salut, Michel. Que puis-je faire pour toi?
– Ca fait maintenant trois semaines que je suis ici et je n’ai remarqué aucun changement chez moi. Qu’est-ce qui se passe?
– La vérité, c’est que l’on est bloqué et que l’on ne comprend plus rien à tes réactions.
– C’est fort facile.
– Si c’est si facile, qu’en penses-tu?
– Vous allez immédiatement me signer un billet autorisant mon départ.
– Que comptes-tu faire? Tu es encore beaucoup malade…
– La même chose que j’ai toujours faite, c’est-à-dire aller frapper à d’autres portes qui, elles, auront peut-être la solution.
– Oui, mais, ici, on fait de notre mieux…
– Je suis conscient du fait que, pour la fatigue que je ressentais, j’ai eu du très bon repos, mais là, j’ai trop mal aux yeux et j’ai l’intention d’aller revoir le chirurgien qui m’a opéré.
– Tu es parfaitement dans tes droits. Alors, je signerai ton départ après mes visites.
– O.K. et merci!
– Pas de quoi et bonne chance.
Quand il eut terminé ses visites, il se rendit au bureau pour signer mon départ. Je suis retourné chez moi et, quatre jours plus tard, je partais pour Québec.
Arrivé là, j’exposai mon problème au docteur Gourdeau qui, lui, me fit passer qu’un seul test et m’apprit ensuite que je devais arrêter de m’en faire car je souffrais tout simplement d’un spasme de réaction, causé par une trop grande pratique de mes yeux. Il avait bien raison. Comme j’étais bloqué par mon handicap, j’eus la réaction de ne pas l’accepter et, en essayant de voir d’une façon nette, je ne pouvais que nuire à cette vision. Le docteur me donna donc ce petit conseil: “Michel, vis ta vie et accepte donc les petites barrières que t’a causées ta maladie”. J’ai trouvé qu’il avait vraiment raison.
Mon père m’a donc dit: “Pourquoi ne pas en profiter pour aller rencontrer le psychologue qui t’avait tant aidé?”, c’est-à-dire monsieur Pierre Carpentier. Je le fis appeler dans l’hôpital puisque son bureau est à l’étage supérieur. J’eus donc la chance de pouvoir m’entretenir avec Pierre une partie de l’après-midi et, croyez-moi, ça m’a fait du bien. Ce gars dégage des ondes positives qui aident à surmonter toutes nos épreuves. Il est vraiment un chic type.
Lorsque j’ai eu ma grosse opération et que j’avais vraiment besoin de me confier à quelqu’un, je me dirigeais vers mes parents et, quand ils n’étaient pas là, j’avais pleinement confiance en Pierre. Je crois qu’avoir des personnes sur lesquelles on peut compter, c’est formidable et important.
Après cette petite évasion qui me permit de faire le point sur ma condition, je repartis pour Jonquière. Je repris la vie, même si celle-ci n’est qu’un grand livre dans lequel on ne lit que des souffrances. Mais, malgré tout cela, je repartais toujours à zéro en oubliant le passé, ne pensant qu’au moment présent et aux bons moments que j’aurai à vivre dans le futur. Je crois que, pour une personne malade, c’est la meilleure attitude à prendre.
Aujourd’hui, je peux enfin crier à haute voix: “Je me sens beaucoup mieux dans ma peau”. J’ai souffert, voire même beaucoup souffert, mais là je crois que je pourrai enfin sourire à la vie. Peu importe le degré de votre problème, je peux seulement vous aider en vous disant: “Restez positif et, si vous perdez le moral, prenez des moyens pour le recouvrer. Ne faites surtout pas des choses que vous pourriez regretter toute votre vie et acceptez toute l’aide que vous aurez et surtout l’amour que les autres peuvent vous offrir. Sachez que chaque problème comporte ses difficultés, mais qu’elles sont franchissables”.
Maintenant, je vis avec joie, amour, paix, optimisme et surtout de la volonté. Il est important de croire en quelque chose, peu importe ce que soit cette chose. Moi, j’ai cru en ma force et je ne crois pas m’être trompé.
Je suis rendu instructeur de volley-ball au sein de l’escadron 634 et j’ai encore plein de responsabilités car je n’ai pas peur de m’impliquer. C’est dur, mais le jeu en vaut la chandelle. Après tout, c’est pour vaincre que je me bats.
Encore un dernier conseil: “Vous, parents, qui avez un enfant qui vit un problème, je vous demande de l’aimer de tout votre cœur et de lui dire. Cela lui réchauffera le cœur…”